La récente correction du marché sur le secteur bancaire européen, résultant à priori d’un sentiment de panique et d’inquiétude de la part des investisseurs suite aux problèmes des banques régionales américaines, devrait plutôt être considérée comme une prise de bénéfices opportuniste après l’énorme rallye observé au cours des derniers mois (+40% sur les cinq derniers mois).
Après les récentes baisses des prix des actions, le secteur se négocie à des multiples bien inférieurs à la moyenne à long terme. Tout en gardant à l’esprit le contexte macroéconomique difficile et les incertitudes qui subsistent, cette récente faiblesse des valorisations suggère une bonne opportunité d’achat sur le secteur, en particulier sur les noms présentant des bilans sains et des modèles d’entreprise adéquats.
SVB, Silvergate… des cas très spécifiques qui peuvent difficilement être extrapolés à l’Europe !
Si nous mettons à part Silvergate et Signature Bank, qui sont des banques fortement exposées aux cryptomonnaies, le cas plus « classique » de SVB est pourtant un cas spécifique car la banque est essentiellement exposée aux secteurs de la Tech avec :
- Une forte augmentation (x3) des dépôts de sa clientèle de start-ups sur la période 2019-2022 (c. 186 Mds$) du fait des entrées massives de
liquidités observées dans le secteur tech US. - En parallèle, ces dépôts ont été réinvestis dans une proportion particulièrement plus élevée qu’à l’accoutumée dans des titres à revenu fixe (principalement des Govies US) par rapport à l’encours des prêts et sans couverture appropriée contre le risque lié aux taux.
- En conséquence, la politique de resserrement monétaire brutale et importante mise en place par la Fed au cours des derniers mois a considérablement
affaibli la position du bilan de la banque avec : – Du côté du passif, des clients en difficulté (accès au financement de plus en plus difficile pour les entreprises technologiques en phase de démarrage) contraints de puiser dans leur base de dépôts. – Du côté de l’actif, la SVB a subi des pertes importantes en raison de la vente forcée d’une partie du portefeuille de titres à revenu fixe (la valeur de marché des Govies ayant également baissé en raison de la hausse des taux). - En outre, la SVB et les autres banques défaillantes ont en commun une mauvaise gestion des actifs et des passifs en raison de leur recherche de rendement lorsque les taux d’intérêt étaient bas et parce qu’elles ne sont pas soumises à des règles aussi strictes en termes de capital/liquidité comme
le sont les grandes banques américaines.
Le système bancaire européen est beaucoup plus sain et réglementé sur le plan de la solvabilité et de la liquidité
Il y a plusieurs raisons de tempérer le risque de contagion au secteur bancaire européen :
– Son financement est bien diversifié et associé à un niveau de liquidité solide, avec des dépôts de clients particulièrement conséquents et plutôt pérennes et des flux de dépôts toujours stables. Le ratio moyen prêts/dépôts des banques européennes se situe d’ailleurs à un niveau très sain de
91 %.
– Les portefeuilles de titres à revenu fixe dans le bilan des banques européennes sont réévalués de manière adéquate et selon des règles strictes
(notamment en termes d’impact sur les niveaux CET1).
– La gestion de l’actif et du passif est également plus stricte et plus optimale (la plupart des banques européennes échangent une bonne partie de leur portefeuille d’investissements en instruments financiers contre des taux variables, de sorte qu’elles ne supportent que le risque de crédit et non
celui associé aux taux).
– Les banques européennes ont réalisé des progrès significatifs en termes de financement/liquidité (ainsi que de solvabilité, de qualité des actifs et de rentabilité) au cours des dix dernières années. En moyenne, le LCR (mesure de la liquidité à court terme) et le NSFR (mesure à plus long terme) se situent largement au-dessus du seuil de 100 % pour les banques européennes. - Enfin, le resserrement de la politique monétaire en Europe a été beaucoup moins marqué qu’aux États-Unis, ce qui suggère un risque plus limité de ralentissement brutal. Au cours des derniers mois, la BCE a examiné de près ce risque de taux et mesuré la résistance des banques à divers scénarios de hausse des taux et la conclusion générale semble plutôt rassurante. Les bilans bénéficient également d’un niveau élevé de provisions et d’une approche conservatrice de la gestion des risques.
